7 – Terra incognita
Une femme, donc.
Une bonne femme.
Bordel de merde.
Et une bombe, en plus.
Mais une bombe.
Tout à coup, ça m’excite un peu. Ce corps étranger, là, disponible, complètement à ma merci, et sans aucun risque de quoi que ce soit... Sans regard extérieur. Sans conséquence.
Tout à moi.
Je profite que personne n’est encore revenu et, la main inquisitrice, j’explore cette chatte sans faux-semblants et sans pudeur dont je peux faire ce que je veux...
Et je pousse un cri de douleur.
Putain ! Ça fait mal ! L’impression qu’on me racle l’intérieur avec du papier de verre !
« Doucement... », qu’elle me dit, Sandra, quand je la prends trop vite.
Juste « doucement... ».
Et moi qui croyais qu’elle faisait sa gamine pour m’emmerder un peu.
Et moi qui croyais qu’elle jouait les vierges effarouchées pour se faire désirer.
Je lui ai vraiment fait ça ?
Je ramène vivement ma main à moi, et je pousse un autre cri, d’angoisse, cette fois-ci.
Du sang.
Du sang plein mes doigts.
De mon autre main je me rue sur le bouton.
Je veux pas crever ! Pas dans ce lit ! Pas tout seul ! Pas dans ce corps !
Je veux pas crever !
C’est le jeune interne de tout à l’heure qui rapplique, celui qui pouvait pas s’empêcher de me reluquer.
Tant pis.
Je le comprends : je ferais pareil.
Je lui montre ma main, terrifié.
— Je saigne, Docteur ! Je suis blessé ! Je vais crever !
Il s’approche aussitôt, l’air préoccupé.
— D’où est-ce que vous saignez ? Que s’est-il passé ?
— Je saigne de la chatte !
J’ai crié. Crié d’horreur, de peur, d’incrédulité, et lui recule sous la formule, sans doute trop crue pour ses oreilles de blanc-bec. Sans doute que ça surprend, venant de la bouche de cette jolie poupée dont j’ai volé le corps sans le vouloir.
Sans comprendre comment.
— Je dois vous examiner...
Le môme semble nerveux, et j’ai envie de réclamer un vrai médecin, là, tout de suite, mais l’angoisse, la blouse blanche, le sang... alors je soulève le drap pour lui montrer ce corps étranger qui va me faire mourir une deuxième fois.
Il rougit un peu, pétrifié, puis les réflexes de pros reviennent, et il se précipite sur un meuble à tirois, se lave les mains à l’antiseptique, pioche une paire de gants, un masque, quelques outils, une lampe...
Un spéléologue en blanc. Un garagiste du féminin.
J’en rirais presque.
Mais j’attends simplement, partagé entre terreur paralysante et impatience de savoir.
De longues minutes, je serre les dents, me faisant violence pour garder les jambes écartées, serrant les poings, les mâchoires et les paupières.
Ne pas crier.
Ne pas pleurer.
Putain que ça fait mal !
Enfin, il sort son attirail de moi et se redresse, il va jeter ses instruments, masques et gants, puis il revient, le visage étrange, l’oeil luisant rampant sur ma peau nue.
Je rabats le drap sur moi.
J’ai froid, un tremblement venant de loin vient me faire frémir de partout.
— Vous savez, les relations entre patients et médecins sont prohibées, mais une fois sortie d’ici...
Hein ? Qu’est-ce qu’il me raconte, celui-là ?
— Qu’est-ce que j’ai ? je le coupe, perdu.
Son visage passe du rouge au gris, et il se planque derrière mon dossier médical, décroché fébrilement de mon pied de lit.
J’attends en silence qu’il me réponde, tendu, mais il ne dit rien, ne bouge plus.
— Je...
Sa voix s’enraye. Il va pas pleurer, ce con, quand même !
J’ai envie de hurler, de le choper et de le secouer, de l’insulter, de le frapper... mais je fixe sans bouger ses mains crispées sur la plaquette.
Je ne respire plus.
— Je croyais que vous... que c’étaient vos règles... que vous...
Je pige rien à ce qu’il bafouille, cet ahuri.
— Je... je suis désolé... Je... je vais cherchez l’obstétricien !
Et il se barre presque en courant, laissant la porte entrouverte.
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