5 – Introspection
— Vous allez mieux, Mademoiselle ?
Tiens ! La pin-up en blouse rose est revenue ! Avec son décolleté, sûr que je vais reprendre des couleurs !
Je m’efforce d’ouvrir les paupières pour mater sa carrosserie, mais mes yeux se posent sur le visage d’un blanc bec au sourire débile. Blouse blanche, stéthoscope autour du cou, étiquette « Interne » de travers. Le regard fuyant.
Non.
Le regard fixe, en fait.
Focalisé sur mon torse, et l’expression perverse.
Mon torse ?
Putain ! Il me mate les seins, ce con ! C’est vrai qu’ils sont canons, remarque, je le comprends !
— Pas mal, hein ?
Trois presque mots, trois syllabes, même pas une phrase, mais qui m’arrache la gueule et me balance dans une quinte de toux de crevé.
Quand je parviens à me calmer et m’essuie les yeux brouillés de larmes, le marmot déguisé en docteur s’est barré.
Putain de puceau ! Branleur de mes deux.
La pin-up, elle, est toujours là.
— Je suis désolée, Mademoiselle. Il est jeune, et vous êtes splendide, c’est vrai. Il faut lui paronner...
Elle a l’air vachement gênée, alors je lui fais un clin d’oeil, et elle pouffe nerveusement avant de s’excuser et partir.
Bien envie de me marrer, moi, mais pas envie de crever étouffé par la toux, alors je me contrôle. Hâte d’en parler avec Guilou.
Je me demande comment il va réagir, ce con !
On va se bidonner à mort, je le sens.
Soudain, blanc.
L’iceberg bien massif et glacé qui me plombe les entrailles.
Si je suis là, moi, elle estoù, elle ? Dans mon corps ?
Bordel !
Comme un réflexe de survie, comme un putain de noyé qui s’agrippe à sa dernière goulée d’air avant de camer, je m’accroche au bouton rouge et je le défonce de toute mes forces, les pouces douloureux à force de presser le boîtier de plastique qui me glisse entre les doigts.
Quand l’infirmière arrive en courant, je comprends que je dois avoir l’air complètement paniqué, parce qu’elle me regarde et me parle comme si j’étais un môme.
— Tout va bien aller, ne vous inquiétez pas. Avec votre accident, c’est normal d’avoir des moments de panique, mais vous êtes en sécurité, c’est fini.
Entre deux inspirations sifflantes, j’arrive à articuler ma question.
— L’autre... conducteur ?
La question.
Et sa grimace de croque-mort me traverse d’un coup sec comme un pain de glace acéré : brûlant mais pourtant plus froid que la mort.
Elle va ouvrir la bouche, parler, répondre, et je veux plus savoir.
Non !
Qu’elle se taise !
— Le chauffard était ivre...
Ta gueule !
— Il roulait trop vite...
Mais tu vas la fermer, sale truie !
— Il est mort sur le coup. Vous n’y êtes pour rien. Tout est de sa faute. Sûrement encore un ivrogne.
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