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Style
Qu'est-ce que le style ?
En littérature, le style est quelque chose de protéiforme qui est souvent un terme fourre-tout qui camoufle tout autant un rejet pour incompatibilité entre lecteur et auteur qu'une justification de l'adhésion à un livre. Pourtant, il n'est pas rare de voir ce terme servir d'étiquette vague à une simple impression indéfinissable qui semble cacher davantage de vide que de plein. On aime ou on n'aime pas ce style.
Du coup, quand "on l'a", c'est bon, même si c'est magique, mais, quand "on ne l'a pas", c'est un peu amer à boire. Alors, il me paraît essentiel de qualifier ce qu'est le style.
Le style, c'est avant tout une utilisation de la langue qui vous est propre. Or, la langue, c'est l'alliance d'un message et d'une forme. Parce que nous avons tous une expérience de la vie à la fois singulière et universelle, nous avons tous potentiellement un contenu personnel à échanger. De même, parce que nous avons tous grandi nourris d'interactions différentes, chacun de nous a construit un rapport unique à la langue.
Un style, ça se caractérise donc par l'association des thèmes et images qui vous façonnent et de la langue telle que vous l'utilisez. A l'oral, spontanément, nous avons donc tous un style qui exprime notre personnalité, notre identité, et qui produit un effet singulier sur nos interlocuteurs, suscitant tantôt la sympathie, tantôt l'antipathie, et très rarement l'indifférence. Cela se traduit par notre manière de prendre la parole, tant par notre voix que notre corps, mais aussi par notre syntaxe, notre vocabulaire, nos intonations, nos hésitations, notre registre de langue, nos tics, nos erreurs, notre accent, nos expressions, les sujets qui nous font réagir et nos opinions et valeurs, qui innervent notre communication... Ce sont ces variations individuelles qui construisent l'authenticité d'une personnalité, tant chez un être de chair et de sang que chez un personnage de papier ou un narrateur.
Potentiellement, donc, quiconque a vécu et s'exprime dispose spontanément de son style.
D'où vient alors que le littéraire coince tant ?
Le problème, c'est que la situation de création pose plusieurs types de difficultés en littérature :
— on met généralement en scène plusieurs personnages en plus de la narration, et il s'agit donc de parvenir à créer et faire coexister plusieurs styles dans un même texte, pour que chaque voix du récit puisse se faire entendre ;
— on aborde souvent l'écriture en lecteur, c'est à dire avec l'image qu'on a de la littérature, souvent héritée d'une scolarité ethnocentrée : littérature blanche, mâle, et surtout datée, ampoulée et sérieuse, étant entendu que, tout le reste, ce n'est pas de la littérature. On se contrôle donc involontairement et inconsciemment pour coller à l'idée qu'on se fait de ce que doit être un texte pour être littéraire.
Le résultat, quand on est inexpérimenté et qu'on manque de recul quant à son écriture, c'est qu'on oscille entre un style monotone qui rend tous les personnages équivalents à la narration, ou bien on n'écrit pas, mais on fait de la littérature, et notre style abdique tout simplement devant l'image qu'on se fait du littéraire : un truc poussiéreux, soutenu et ampoulé, vaguement lyrique et complètement désincarné. Au contraire, la force d'un texte viendra de la pertinence avec laquelle il fait converger son fond et sa forme. La colère, par exemple, s'accommode mal des grands élans lyriques à la syntaxe complexe et soutenue, mais s'épanouit bien davantage dans des phrases courtes, un registre familier, voire vulgaire, dans une brutalité de la langue orale où les répétitions et la violence du vocabulaire cherchent à mettre des coups, pas à faire de grandes et belles phrases. Trop souvent, parce qu'on a fréquenté le littéraire de manière normative et classique à l'école, on s'en fait une idée étriquée, policée, anesthésiée, surannée. Or, c'est bien plus riche et varié que l'expérience scolaire qu'on en a, et les gros mots qu'on nous a interdits, ou les phrases sans verbes qui passaient pour incorrectes, ou la répétition qu'il fallait chasser à tout prix, par exemple, ne sont que quelques-uns des nombreux tabous dont il faut s'affranchir. En effet, en art, rien n'est interdit dès lors qu'on poursuit un but et qu'on pense et maîtrise l'effet recherché. Il s'agit juste d'adopter les outils les plus efficaces pour obtenir ce qu'on cherche à susciter.
L'astuce, c'est donc en réalité de cesser de penser qu'on écrit.
Face à une histoire qui nous travaille pour prendre forme, face à des personnages qui se débattent en nous pour exister, face à un message qui demande à s'exprimer, il ne faut pas transposer à l'écrit, mais dire, crier, gueuler, bégayer, répéter, jurer, pleurer, cracher... En fait, il faut rechercher dans la création d'abord la primauté de la spontanéité, authentique et vraie. Le premier élan du cœur, de l'esprit, du corps ou de la langue est le plus souvent le plus juste, car connecté à la sensation, à l'émotion, à la situation — en un mot : sincère. Dès qu'on retravaille la formulation, on prend de la distance, et c'est cette distance qui devient souvent lointaine, froide, dépassionnée, et qui vient affadir un texte.
Bien sûr, même spontané, un premier jet contient des maladresses, et ce sera le travail de l'auteur et du correcteur que d'y remédier dans un second temps, mais il faut d'abord accoucher de cet être vivant qu'est la création avant de pouvoir l'éduquer et en faire une œuvre d'art. Or, la plupart des écrivants amateurs sont frappés d'abord du syndrome de l'imposteur et de la page blanche qui en découle, constatant dans les quelques pauvres lignes qu'ils s'échinent à écrire en faisant bien attention de faire littéraire que non seulement ils ne sont pas Victor Hugo, mais que ça ne correspond pas non plus à ce qu'ils veulent dire. Parce qu'écrire, ce n'est pas singer un auteur qui n'est pas nous et qui a vécu à une époque qui n'est pas la nôtre.
Comment conquérir son style ?
Vous avez bien compris : nous avons tous spontanément un style qui nous est propre, mais qu'on étouffe, qu'on travestit lorsqu'on veut écrire. Conquérir son style, c'est donc d'abord un exercice de lâcher-prise.
Mais, comme dans tout lâcher-prise, il est plus simple de laisser aller les rênes quand on est assis sur un vieux poney placide que sur un dragon furieux. Comprendre ce qui vous agite est parfois d'un précieux secours pour trouver comment mettre des mots dessus. Je vous invite donc à explorer ce qui vous habite dans cette publication vulgarisante qui peut servir d'introduction à l'introspection et que j'ai baptisée pour cette raison Le Fil d'Ariane.
Disposer d'un vocabulaire suffisant peut aussi aider à mieux dire, c'est donc facilitateur, là où une personne limitée dans ses outils de communications en sera réduite à des borborygmes et des onomatopées frustrants.
Si chacun a un style, nous ne sommes pas tous égaux culturellement quant à notre capacité d'expression. C'est là que la lecture va aider. Pas pour l'orthographe — c'est un mythe —, pas pour devenir écrivain — c'est insuffisant —, mais parce que ça va nous apprendre du vocabulaire, des situations, des façons de dire qu'on ne possède pas spontanément. Une fois qu'on a des mots à mettre sur nos maux, là on peut les déclamer, les susurrer, les gueuler, les chuchoter ou les cracher à volonté au gré de ses émotions.
Les exercices de théâtre d'improvisation peuvent aider à débloquer la parole et fluidifier l'expression, notamment en nous forçant à nous confronter à des situations variées.
Comment enrichir son style ?
Si pour séduire et susciter l'adhésion il suffit souvent d'un sourire, d'un regard ou de votre démarche naturelle, tant le vivant appelle le vivant, il est parfois bon, jouissif et utile de savoir esquisser quelques pas de danse afin d'ajouter un soupçon de grâce, un grain de folie, une once de sublime au charme naturel de l'authenticité.
C'est là que votre culture littéraire et votre expertise linguistique pourront faire la différence entre un premier jet touchant en une œuvre d'art magnifique.
La créativité, c'est un muscle impalpable : il se renforce et se nourrit par une alimentation diversifiée et des exercices variés et nombreux. Plutôt que de vous enfoncer en autiste dans un entre-soi romanesque façon sables mouvants, je vous recommande de mener quatre démarches complémentaires :
— Lire des textes variés en styles, genres, formes et époques afin d'élargir votre champ des possibles. Vous pourrez avec bénéfice enrichir cette pratique de la fréquentation des autres arts et du monde, tout ce qui peut nourrir votre culture, votre imaginaire et votre réflexion comme votre langue étant bienvenu ! Je tiens à ce propos un recueil compilant des créations que j'ai été heureux de pouvoir découvrir et que je vous partage donc : Tu connais ça ?
— Pratiquer une infinité de créations différentes, et donc privilégier le format court pour pouvoir accomplir ces nombreux travaux de votre vivant, par exemple en relevant les nombreux défis littéraires que vous trouverez sur les groupes Facebook dédiés à l'écriture, mais aussi sur les plateforme d'écriture collaborative comme Scribay ou Plume d'Argent. Je tiens à votre disposition un recueil de mes propres créations issues de ces stimulations extérieures, Défis et autres accidents heureux, pour vous montrer à la fois la diversité enrichissante de la notion de défi créatif et en même temps vous permettre de voir qu'ouvrir l'écriture aux technologies et aux autres arts permet de nourrir votre écriture et votre créativité. Je vous invite également à jeter un œil à deux expérimentations littéraires que j'ai conduites : l'écriture à alternatives avec Et si Dieu c'était vous ? et l'écriture en temps réel avec Et si on jouait à Tap-Tap (Ces deux expériences sont présentées, réunies et augmentées sur ce site que j'ai créé à cet effet).
— Entreprendre des partenariats d'entre-lecture critique. En vous associant avec un ou plusieurs autres écrivants débutants, vous pourrez vous motiver les uns les autres en vous entre-lisant, mais surtout en vous étayant les uns les autres de ce qui vous fait défaut : un regard extérieur. Heurtez-vous aux forces et faiblesses des autres, réfléchissez à ce qui vous fait de l'effet, à ce qui vous plaît ou vous déplaît, efforcez-vous de trouver des solutions, des alternatives, des explications aux difficultés de l'autre, et cette expertise que vous construirez au service des autres viendra nourrir la qualité et la profondeur de votre propre maîtrise de l'écriture. Pour vous aider dans cette entreprise, je tiens une sorte de carrefour de rencontres littéraire qui peut compléter ou accompagner votre implication dans les groupes et les plateformes dédiés à l'écriture : Lisez-moi ! ... s'il vous plaît...
— Cultiver ses connaissances littéraires. En sachant ce qui existe, ce qu'il est possible de faire, ce qui a déjà été réalisé, vous remplirez votre boîte à outils créatifs et renforcerez votre capacité et votre envie de créer. Parce que rien ne naît du néant et qu'on ne cuisine bien qu'avec des ingrédients variés, multiplier les apports ne peut que vous aider à mieux écrire. Je vous invite à compléter vos connaissances par la lecture des articles de mon guide d'écriture Main dans la main, et notamment celui consacré aux genres littéraires, qui vous présentera entre autres outils précieux les figures de style.
Pour conclure sur le style
Votre style littéraire est intrinsèquement lié à votre identité sociale et linguistique, à votre personnalité et à votre sensibilité, à vos valeurs et centres d'intérêt : apprenez à vous assumer et à lâcher prise. Ce que vous avez en vous, c'est ça qui mérite d'être couché sur le papier, pas ce que vous pensez que les autres voudraient lire ou ce que vous croyez devoir écrire.
Si vous voulez développer votre style, l'enrichir, le muscler, rien de tel que l'exercice et l'ouverture à ce qui vous est étranger, alors, lâchez-vous, et embrassez le monde et la vie !
Pour aller plus loin, découvrez donc les autres Alphabécritures de cette page et les articles de mon guide d'écriture Main dans la main !